con·ver·gence | kɔ̃vɛʁʒɑ̃s : fait de converger et surtout de tendre vers l’union ou l’uniformité
L’un des événements les plus notables de ces derniers mois dans le paysage de la publication d’information sur la durabilité – qui évolue à une vitesse vertigineuse – est sans doute l’accélération des efforts visant à converger vers une norme unique en la matière.
Une cascade d’annonces et d’engagements au cours des derniers mois indique que la convergence se produit à trois niveaux : les normes et les cadres de publication d’information sur la durabilité, les normes d’information financière et non financière et les facteurs de marché et de réglementation.
Convergence des normes et des cadres de publication d’information sur la durabilité
En septembre dernier, les cinq organisations mondiales à but non lucratif – dont les normes (SASB, GRI, CDSB), les cadres (IIRC) et la plateforme (CDP) sont utilisés pour la majeure partie de la publication d’information sur la durabilité – ont annoncé leur intention de travailler ensemble pour parvenir à une publication d’information des entreprises exhaustive. Cette annonce a été suivie en novembre par celle de l’intention de l’IIRC et du SASB de fusionner, ce qui constitue une « étape majeure vers la simplification du système de publication d’information des entreprises ».
Plus important encore, les cinq mêmes organisations (bientôt au nombre de quatre) ont suivi en décembre avec la publication d’un prototype de norme de divulgation financière liée à la durabilité, qui comprend un prototype de norme propre aux divulgations financières liées au climat. Ce prototype de norme pourrait bien servir de phare pour l’avenir, étant donné l’idée d’adapter le cadre conceptuel des normes internationales d’information financière (IFRS) aux divulgations financières liées à la durabilité.
Convergence des normes d’information financière et non financière (alias durabilité)
En effet, en septembre dernier, la Fondation IFRS* a lancé un processus de consultation pour recueillir des commentaires sur la nécessité d’une norme mondiale de publication d’information sur la durabilité et sur l’opportunité pour elle de participer à son élaboration. L’écrasante majorité des près de 600 soumissions a, sans surprise, répondu par l’affirmative. Il y a quelques semaines, la Fondation IFRS a donc annoncé qu’elle allait de l’avant avec son initiative visant à produire une proposition définitive (y compris une feuille de route assortie d’un calendrier) d’ici à la fin septembre 2021, ce qui pourrait conduire à une annonce sur la création d’un conseil des normes de durabilité lors de la réunion de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques COP26 en novembre 2021. La Fondation IFRS a dûment pris note des commentaires qu’elle a reçus sur « la nécessité d’établir d’urgence des normes mondiales, surtout en ce qui concerne le climat ».
Convergence des facteurs de marché et de réglementation
Pour comprendre l’importance des développements ci-dessus, il faut rappeler que la publication d’information sur la durabilité des entreprises reste essentiellement volontaire. La prolifération précoce de cadres, de normes, de questionnaires et d’évaluations par des tiers (la source désormais tristement célèbre d’une grande confusion) n’est que le reflet des forces du marché qui s’efforcent de répondre à la demande croissante d’informations plus nombreuses et de meilleure qualité sur la durabilité des entreprises (ou les facteurs ESG). En particulier, les demandes des investisseurs concernant des informations utiles à la prise de décision, des mesures du rendement plus quantitatives et des données ESG de meilleure qualité sont assourdissantes, ce que confirmera un rapide coup d’œil à n’importe quel sondage auprès des investisseurs institutionnels.
D’aucuns affirment que seules les forces du marché, et non les politiques, peuvent être le moteur du changement. Cela se peut. Mais des politiques sont nécessaires pour favoriser le changement à grande échelle.
Les exigences les plus notables en matière de publication d’information sur la durabilité sont celles de l’Union européenne. La directive 2014/95/UE concernant la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité est entrée en vigueur en 2018, plaçant l’UE « sur une voie claire vers une plus grande transparence et une plus grande obligation de rendre compte des entreprises à l’égard des questions sociales et environnementales ». Elle devait aider à mesurer, contrôler et gérer le rendement des entreprises et leur incidence sur la société. Toutefois, dans le cadre de la préparation du pacte vert pour l’Europe, la Commission européenne a constaté des lacunes dans cette directive, notamment le manque de comparabilité, de fiabilité et de pertinence des informations non financières fournies, et procède actuellement à sa révision. Une directive révisée, et plus spécifique et normative, devrait être publiée au premier trimestre de 2021.
Aux États-Unis, la rapidité et l’ampleur des engagements et des mesures pris par l’administration Biden pour s’attaquer à des problèmes systémiques tels que le changement climatique, la diversité ou l’inégalité des revenus ont été tout simplement stupéfiantes. L’une de ces mesures a été la nomination d’un conseiller principal en politiques, Climat et facteurs ESG à la Securities and Exchange Commission (SEC), un nouveau poste dont le titulaire est chargé de donner des conseils sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance et de faire progresser les nouvelles initiatives connexes dans les bureaux et divisions de la commission. Il va de soi que le nombre croissant de pétitions et de dépôts de demandes d’informations obligatoires sur le développement durable des entreprises fera l’objet d’une attention accrue, et nous ne serions pas surpris de voir des annonces à cet effet prochainement.
On pourrait également interpréter les récentes réglementations rendant obligatoire la communication d’informations liées au climat pour toutes les sociétés cotées en bourse, notamment en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni (et peut-être bientôt au Canada), comme des indicateurs précurseurs d’une réglementation plus large de la communication d’informations sur la durabilité.
Il est important de se rappeler que la réglementation des divulgations des entreprises n’est pas nécessairement synonyme de normalisation de la manière dont ces divulgations sont produites. Cependant, nous pensons que les deux seront bientôt indissociables, car l’objectif de la réglementation n’est pas seulement de pousser toutes les entreprises à produire des rapports (c’est-à-dire à fournir plus d’informations), mais à fournir des informations comparables, importantes, fiables, cohérentes, objectives et opportunes (c’est-à-dire de meilleures informations). Seul un ensemble commun de normes peut permettre d’atteindre cet objectif. Les exemples ci-dessus sur les divulgations liées au climat servent d’exemple concret, car ils mentionnent tous la mise en œuvre des recommandations de la Task Force on Climate-Related Financial Disclosures (TCFD).
Universelle, intégrée et obligatoire
En résumé, nous estimons que le rythme du changement ne fera que s’accélérer vers l’objectif final d’une seule norme universelle de divulgation sur la durabilité, englobant les informations financières et non financières. En outre, nous pensons que l’application de cette norme sera obligatoire pour toutes les sociétés, ouvertes et fermées. Le délai exact de mise en œuvre reste un peu plus difficile à déterminer, mais si nous devions deviner, nous prédirions un délai de trois à cinq ans.
(*) La Fondation IFRS chapeaute l’International Accounting Standards Board (IASB), qui élabore et applique les normes internationales d’information financière pour les sociétés cotées en bourse. Il s’agit de l’équivalent mondial du Financial Accounting Standards Board (FASB) des États-Unis. L’IASB et le FASB collaborent depuis près de vingt ans pour améliorer et faire converger leurs normes respectives. C’est presque comme s’il existait une seule norme mondiale d’information financière.